Départ volontaire

Départ volontaire

  • Auteur : DEBRY Jean-Luc
  • ISBN : 978-2954361062
  • Disponibilité : En Stock
  • 8.00€



de Jean-Luc Debry (Auteur)

Départ Volontaire - Jean-Luc DEBRY

 

Ah ! Odile, comme je suis heureuse de te rencontrer. On me dit le plus grand bien de ton travail. Charles est dithyrambique à ton sujet, et tu sais combien je l’estime. Bon, je vais être directe. Ce n’est pas mon genre de tourner autour du pot. Bon, tu es une parfaite animatrice. Et c’est justement à ce titre que je voulais te parler. Voilà, tu n’es pas sans savoir que nous sommes engagés dans une opération fitness. Je veux dégraisser en douceur… Pour ça, je vais avoir besoin de toi. On a ouvert un guichet pour les partants. On n’est pas chien.

Si besoin est, on finance des formations pour faciliter les reconversions. C’est correct, non ? Bon, le hic, c’est que pour l’instant les volontaires ne se bousculent pas au portillon. Alors, on va être obligé de pousser quelques personnes vers la sortie. Mais sans faire de vague, hein pas de vague, pas d’hystérie, ni de blabla revendicatif. Pour toi, ça va être assez simple. J’ai besoin d’un dossier sur une seule personne.

 

ISBN 978-2-9543610-6-2
Format : 15 x 21 cm - 102 pages.

 

 

C’était vraiment un manager modèle…

Départ volontaire (*) propose une plongée dans la bureaucratie à la mode libérale. Une description sans fard des lois de l’économie de marché à l’échelle d’une petite entreprise. Jean-Luc Debry y décrit le chemin de croix d’une employée hier modèle.

 

 [F. Cardinali, 19.04.14]  

http://fcardi17.wordpress.com/2014/04/19/lhistoire-banale-dune-employee-modele/#more-607

Il ne faut pas chercher dans Départ volontaire une fiction littéraire. Jean-Luc Debry  signe ici un récit en forme de coup de poing en décrivant la vie d’Odile, parfaite animatrice d’une entreprise qui, rachat après rachat, a intégréun grand groupe. A travers son parcours, l’auteur fait le procès de l’idéologie managériale et d’un certain type de relations humaines qui fait peu de cas des individus. On y retrouve toutes les formules creuses entendues par certains salariés. Ainsi quand la patronne, surnommée la "Divine" lance dans une réunion extraordinaire : "La crise a eu, entre autres bienfaits, de remettre à plat pas mal de choses et de poser clairement la question de la compétitivité de notre entreprise. La crise a eu le mérite de vérifier, je dirais, le niveau d’adhésion de chaque salarié à la culture de notre entreprise. J’ai envie de dire : vive la crise ! (…) c’est un mal pour un bien."

Au fil des pages, on voit bien comment le bon petit soldat qu’est Odile va petit à petit sombrer, victime d’un système où les petits chefs jouent des coudes pour briller, même si leurs résultats ne sont pas, in fine, plus transcendants que ceux de leurs prédécesseurs. Certains trouveront peut-être la charge un brin caricaturale, il n’empêche : ce récit court et rondement mené, sans effets de style, décrit une certaine réalité du monde du travail, et comment l’open space devient une jungle dans laquelle on pousse certains à "choisir" le départ volontaire. Et comment, à un certain âge, les managers ont tendance à pousser leurs ouailles vers des projets personnels, histoire de faire de la place aux jeunes, moins bien payés bien entendu. Ainsi, après avoir été impliquée dans le départ de son chef, qui était pourtant convaincu des bienfaits de la loi du marché pouvant tout justifier, Odile n’a plus qu’à "attendre" son tour. Et l’attente ne sera pas bien longue.

Dans la deuxième partie du récit, Jean-Luc Debry décrit avec une froideur médicale la mécanique à broyer qui conduit Odile à s’enfoncer dans la solitude sur le lieu de travail, à manger seule comme si elle était pestiférée,  avant de plonger dans la déprime, l’antichambre du départ annoncé. Sous le regard d’anciennes connaissances, voire d’amies qui n’hésitent pas à jouer leur carte pour se faire remarquer. L’auteur évoque ainsi  la situation d’une collègue d’Odile, sur le point de dégager de l’open space :  "Elle ignorait la réalité, alors que la réalité, dans le monde du travail, a ce visage peu glorieux des mesquines manœuvres de la  norme à l’encontre de ce qui la nomme pour ce qu’elle est, à savoir : une sordide condition de survie. Annabelle incarnait ce petit caillou qui dérange et qu’il faut extraire de sa chaussure pour poursuivre la longue route indiquée par le Nord magnétique de la boussole nommée "efficience". Non sans gourmandise, Jean-Luc Debry  multiplie les références au vocabulaire à la mode dans les écoles de management et qui sonne si souvent creux.

A la fin du livre quand Odile se regarde dans le rétroviseur de sa voiture et voit "une morte", tout est dit ou presque dans cette plongée étouffante dans le monde du travail moderne. Un roman en forme de pamphlet et qui a le mérite de pointer certaines dérives du système. Et de détailler bien des lâchetés humaines quand le travail devient une bataille au quotidien et que l’on croit sauver sa peau en flinguant son collègue le plus proche.

(*) Ed. Noir & Rouge